 
        Dans son newsletter d’octobre 2025, la National Human Rights Commission (NHRC) tire la sonnette d’alarme sur la situation préoccupante des détenus en attente de procès à Maurice. Plus de la moitié de la population carcérale est aujourd’hui composée de prisonniers en détention provisoire, dont un nombre significatif attend leur procès depuis plus de cinq ans.
Selon la NHRC, ce constat révèle une défaillance structurelle du système judiciaire mauricien, censé garantir que seules les personnes dont l’incarcération est absolument nécessaire se retrouvent derrière les barreaux. Or, les conditions actuelles de détention des prévenus sont souvent identiques à celles des condamnés, ce qui va à l’encontre du principe fondamental de la présomption d’innocence.
La NHRC cite notamment le cas d’un détenu en détention provisoire depuis neuf ans, toujours sans indication sur la date de son procès. Ce cas extrême soulève de sérieuses questions sur le fonctionnement des instances de supervision – notamment le Bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), le Commissaire de police et les tribunaux – et révèle les lacunes d’un système de justice pénale « dépassé », selon les termes employés.
La NHRC rappelle les observations des Law Lords britanniques dans l’affaire Dookee v The State (2012 UKPC 2021), soulignant la quasi-absence de différence entre le traitement réservé aux détenus provisoires et aux condamnés. Les avantages minimes accordés aux premiers — tels que le droit de porter leurs propres vêtements ou de recevoir quelques visites supplémentaires — ne sauraient compenser la perte fondamentale de liberté, vécue dans les mêmes conditions physiques d’enfermement.
La Commission cite également la décision du Privy Council dans l’affaire Rummun v The State of Mauritius (2013), où il avait été recommandé aux magistrats et juges d’être « vigilants face aux retards dans la conduite des procès pénaux » et de se montrer « proactifs pour les éliminer ».
Face à cette situation, la NHRC propose plusieurs mesures urgentes : la mise en place d’un mécanisme accéléré pour l’examen régulier et systématique des dossiers des détenus provisoires afin d’éviter les détentions indûment prolongées, et une politique garantissant autant que possible la préservation des liens familiaux et professionnels des personnes concernées.
Enfin, la Commission insiste sur un principe essentiel : les personnes en détention provisoire doivent être traitées avec dignité et respect, dans des conditions non punitives. « Elles demeurent innocentes jusqu’à preuve du contraire — une doctrine fondamentale du droit qui ne peut être ignorée », conclut la NHRC.
