
Lors de son intervention au Parlement, le ministre délégué aux Finances, Dhaneshwar Damry, a défendu une série de réformes budgétaires et structurelles présentées dans le cadre du Budget 2025–2026. Il a averti que, selon des estimations d’experts, l’État mauricien pourrait se retrouver prochainement dans l’incapacité de verser les pensions.
« Les experts estiment qu’il n’y aura bientôt plus d’argent pour payer les pensions », a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale.
Face à cette menace, le gouvernement entend réorienter sa politique économique selon un cadre pluriannuel fondé sur trois piliers : la consolidation des finances publiques, la durabilité sociale et la croissance productive.
Une trajectoire budgétaire sur trois ans
Le plan présenté vise notamment une réduction de la dette publique, qui passerait de 90 % à 80 % du PIB sur une période de trois ans. Pour y parvenir, cinq leviers sont identifiés : une réforme de la fiscalité destinée à élargir l’assiette et améliorer l’équité, des économies de 5 milliards de roupies au sein des organismes publics, une enveloppe de 15 milliards de roupies pour faire face aux risques environnementaux et sociaux (ESG), des mesures de gouvernance renforcées en réponse à la crise de la drogue, ainsi qu’une gestion active des risques macro-financiers liés aux tensions géopolitiques et commerciales.
Le gouvernement a également fait le choix de ne pas augmenter la TVA, afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages. « Nous reviendrons à une politique fiscale plus légère d’ici deux à trois ans », a assuré le ministre.
Le MSM accusé d’avoir tenter de transformer l’État en une « entreprise Jugnauth”
Au-delà des projections économiques, Dhaneshwar Damry a livré une critique appuyée de la gestion des finances publiques par le précédent gouvernement, dirigé par le Mouvement Socialiste Militant (MSM). S’appuyant sur des documents officiels, il a dénoncé une politique budgétaire marquée, selon lui, par « l’illusion monétaire » et des dépenses excessives : 180 milliards de roupies auraient été injectées sans contrepartie durable, faisant grimper la dette publique à 520 000 roupies par habitant.
Le Junior Minister a également pointé la suppression du National Pensions Fund (NPF) et l’instauration de la Contribution Sociale Généralisée (CSG), tout en laissant un déficit budgétaire de 9,8 milliards de roupies. Ces décisions, a-t-il affirmé, ont affaibli la viabilité du système de retraite, pourtant déjà jugée préoccupante dans des rapports du FMI, de la Banque mondiale et d’un comité ministériel dès 2015.
« Quelle organisation distribue de l’argent et installe la peur pour créer un réseau de dépendance ? Le mot, c’est mafia », a lancé le ministre délégué, allant jusqu’à accuser le MSM d’avoir tenté de transformer l’État en une « entreprise Jugnauth », en référence au nom de la famille politique aux commandes du précédent gouvernement. « Les Mauriciens ne sont pas naïfs. Nous savons tous qu’il n’y a pas de repas gratuit. »
Réforme des retraites et justice sociale
Face à cette situation, le gouvernement prévoit une réforme en profondeur du système de retraite. Une commission d’experts sera prochainement chargée de proposer un nouveau modèle – le « NPF 2.0 » – protégé juridiquement et financièrement. En parallèle, 428 milliards de roupies seront consacrées, sur trois ans, à l’éducation, la santé, le logement et la sécurité sociale. Le maintien des allocations issues de la CSG au-delà de juin 2025, ainsi que l’exonération fiscale de 81 % des salariés figurent parmi les mesures sociales phares du Budget.
Une stratégie de croissance à six leviers
La stratégie de croissance du gouvernement repose sur six multiplicateurs identifiés :
- Réformes structurelles du climat des affaires et du marché du travail ;
- Investissements dans les infrastructures stratégiques (portuaires, aéroportuaires, numériques, diplomatiques) ;
- Renforcement des secteurs clés (construction, tourisme, services financiers) ;
- Relance des secteurs en stagnation, notamment la production locale ;
- Développement de nouveaux piliers économiques (numérique, IA, industrialisation verte et bleue, agro-résilience) ;
- Création d’un Fonds du Futur pour catalyser l’investissement à long terme et générer une contribution supplémentaire de 5 % au PIB.
Une bascule d’époque
Situant ce budget dans un contexte mondial, Damry a cité l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin, qui qualifiait l’époque actuelle de “bascule d’époque” — un tournant dans l’histoire économique mondiale. Selon lui, la stratégie du gouvernement ne se contente pas d’accompagner cette transition, mais l’accélère activement.
« Ce Budget accélère la transition », a-t-il déclaré, en évoquant les investissements prévus dans l’énergie décarbonée, l’économie circulaire, la sécurité alimentaire et hydrique, ainsi que les réformes de l’éducation et de la santé.
Dans un passage plus personnel, il s’est projeté en 2050, marchant sur une plage de Maurice, observant le bien-être des jeunes générations et rattachant leur qualité de vie aux réformes entreprises en 2025. « Si seulement ils savaient à quel point le budget 2025–2026 était un moment charnière dans l’histoire du pays. Je suis profondément touché et inspiré par une déclaration du Premier ministre Navinchandra Ramgoolam lors d’une interview récente : Je ne veux pas que quelqu’un d’autre porte ce fardeau, et j’accepte mon destin de traverser à nouveau des moments difficiles afin de construire un pont pour la prochaine génération», a-t-il déclaré.
Il a situé ces choix dans la lignée des figures politiques ayant marqué l’histoire : « Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King, Sir Seewoosagur Ramgoolam – les générations futures profitent encore des choix qu’ils ont faits pour leur peuple. »
Une gouvernance orientée vers la nation
Dhaneshwar Damry a conclu en citant le Premier ministre indien, Shri Narendra Modi, pour illustrer la philosophie de son gouvernement:
« Le pays a aujourd’hui un gouvernement qui consacre chaque instant de son temps et chaque roupie de l’argent du peuple au développement équilibré du pays ; pour le Sarva-jan Hitāya, Sarva-jan Sukhāya – pour le bien de tous, pour le bonheur de tous. La fierté de mon gouvernement et de mes concitoyens repose sur une seule chose : que chacune de nos décisions est guidée par un seul critère : la nation d’abord. Et cela produira des résultats durables et positifs. »
Et de conclure : « C’est notre rendez-vous avec le destin. Nous construisons le pont vers l’avenir. »