Plus de 25 ans après l’échec d’Édouard Balladur à la présidentielle de 1995, remportée par Jacques Chirac, la justice se replonge dans les coulisses de cette campagne : l’ancien Premier ministre français, aujourd’hui âgé de 91 ans, doit comparaître, ce mardi, devant la Cour de justice de la République (CJR), en compagnie de François Léotard, son ministre de la Défense de l’époque, pour des soupçons de financement occulte de sa campagne. Édouard Balladur et François Léotard sont tous deux poursuivis pour « complicité d’abus de biens sociaux », et Édouard Balladur en sus pour « recel » de ce délit, dans ce qu’on appelle communément « le volet financier » de l’ affaire Karachi. L’ex-Premier ministre est soupçonné d’avoir été derrière un système de rétrocommissions illégales portant sur d’importants contrats d’armements destinées à renflouer ses comptes de campagne.
L’affaire concerne cinq contrats signés avec l’Arabie saoudite et le Pakistan en 1994 pour près de 28 millions de francs.
Alors que leur signature semblait acquise, le ministère de la Défense, dirigé à l’époque par François Léotard, aurait imposé au dernier moment un réseau d’intermédiaires « inutiles », selon l’accusation : « le réseau K » de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, qui, en plus d’un enrichissement personnel, aurait reversé une partie des commissions à l’équipe Balladur. Une version contestée par la défense du Premier ministre, qui compte plaider la relaxe.
L’enquête pointe en particulier un versement en liquide au lendemain de la défaite du premier tour : 10,25 millions de francs reçus le 26 avril 1995, deux semaines après que Ziad Takieddine eut retiré 10,05 millions d’un compte suisse servant à recevoir les commissions.
Les explications de l’équipe de campagne, qui affirme que ces fonds provenaient de dons et de la vente de T-shirts ou gadgets, n’ont pas convaincu la justice qui a déjà conclu à l’existence de rétrocommissions. En effet, dans le volet non ministériel du dossier, le tribunal correctionnel a prononcé en juin dernier des peines de 2 à 5 ans de prison contre 6 personnes, dont Ziad Takieddine et Nicolas Bazire, directeur de campagne d’Édouard Balladur.
Le procès pourrait être suspendu dès son ouverture, car François Léotard, qui souhaite assurer seul sa défense, serait souffrant.