Le « Cullinan », découvert au début du XXᵉ siècle, est au cœur d’un débat sur l’exploitation des ressources durant la colonisation.
Diamant volé ou simple cadeau offert à la dynastie Windsor ? CNN rapporte que l’Afrique du Sud se déchire depuis le décès de la reine Elizabeth II sur la demande de restitution d’un diamant utilisé dans l’un des attributs royaux : le sceptre. Bien que celui-ci ne soit que très rarement visible, il a été posé sur le cercueil de la souveraine, exposé dans l’abbaye de Westminster. Il est également présent lors des cérémonies de couronnement.
Le diamant au cœur de la controverse a été taillé dans l’une des plus grosses gemmes à avoir été extraite du sol sud-africain, en 1905 : le Cullinan, ou, en anglais, The Great Star of Africa. Or, le diamant a été remis quelques années après sa découverte à la famille royale britannique par les autorités coloniales locales.
Certains Sud-Africains réclament donc aujourd’hui la restitution de la pierre précieuse, au motif d’une acquisition qui ne serait pas légitime. Plus largement, les débats ouverts autour de cette pierre en Afrique du Sud évoquent également d’éventuelles demandes de réparations financières.
« Le diamant doit être rendu à l’Afrique du Sud avec effet immédiat. Les minerais de notre pays et d’autres pays continuent de profiter à la Grande-Bretagne aux dépens de notre peuple », a jugé l’activiste du Congrès national africain (ANC) Thanduxolo Sabelo. Pour autant, la ferveur populaire autour de cette demande est loin d’être là.
Pour l’heure, environ 6 000 personnes ont signé une pétition appelant à la restitution de la pierre précieuse. Néanmoins, un élu s’est fait connaître : Vuyolwethu Zungula, membre du Parlement national. Il a exigé « des réparations pour tout le mal causé par la Grande-Bretagne » et a aussi réclamé « la restitution de tout l’or et des diamants volés par la Grande-Bretagne ».
Calls are growing in South Africa for Britain’s royal family to return the world’s largest known clear-cut diamond in the wake of Queen Elizabeth II’s death.
"Our call is for repatriations for all colonial theft.” https://t.co/rPRqTg2Fpn
— CNN Africa (@CNNAfrica) September 15, 2022
Une transaction légale pour Londres
Du côté de Londres, on assure que la transaction réalisée au début des années 1900 était légale. Le Royal Collection Trust, chargé de veiller sur les gemmes royales, explique que le Cullinan a été présenté au roi de l’époque, Édouard VII, en 1907.
Selon le joaillier néerlandais Royal Asscher, le diamant a été acheté directement par le gouvernement sud-africain, sous domination anglaise, avant d’être offert comme cadeau d’anniversaire au monarque britannique. Or, c’est justement cette gouvernance dont la légitimité est aujourd’hui rejetée par certains habitants du pays.
« Notre position est que l’ensemble des gouvernements […] de l’Union sud-africaine et les syndicats miniers étaient illégaux », a déclaré Everisto Benyera, professeur de politique africaine dans une université du pays. « Recevoir un diamant volé n’exonère pas le destinataire. La Grande Étoile est un diamant de sang. La compagnie (minière) privée, le gouvernement du Transvaal (ancien pays, disparu en 1902) et l’Empire britannique faisaient partie d’un réseau colonial plus vaste. »
Bien que déterminés, les militants ne se font guère d’illusions. « Nous n’appelons pas au retour [du diamant], car cela impliquerait qu’il y avait un accord valide en vertu duquel la famille royale britannique avait le droit d’emprunter le diamant. Il est en leur possession uniquement en raison des ténacités coloniales qui ont étouffé les indigènes de ce pays », a déclaré Leigh-Ann Mathys, porte-parole national des Economic Freedom Fighters (EFF), un parti politique d’opposition sud-africain, à CNN. Pour l’heure, aucune demande officielle n’a été formulée par l’Afrique du Sud à l’endroit de la famille royale britannique.