Des centaines de milliers de personnes ont manifesté hier en Birmanie pour à nouveau dénoncer le coup d’Etat militaire, bravant la junte qui a averti les contestataires qu’ils risquaient de “périr”.
Le pouvoir avait brandi dimanche cette menace de recourir à la force létale pour en finir avec “l’anarchie”, au terme d’un week-end endeuillé par la mort de trois manifestants et marqué par les funérailles d’une jeune femme qui avait succombé vendredi à ses blessures.
Malgré cela, trois semaines après le putsch du 1er février et l’arrestation de l’ancienne cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi, la mobilisation en faveur de la démocratie ne faiblit pas, avec, outre des manifestations quotidiennes, une campagne de désobéissance civile qui perturbe le fonctionnement de l’Etat et de l’économie.
Au plan international, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé lundi l’armée birmane à “immédiatement arrêter la répression”, tandis que l’Union européenne “se tient prête” à imposer des sanctions aux militaires responsables du coup d’Etat.
“Les manifestants sont en train d’inciter les gens, notamment les adolescents et les jeunes exaltés, à se lancer sur la voie de la confrontation où ils périront”, ont mis en garde dimanche soir les autorités dans un communiqué lu sur la chaîne de télévision publique MRTV.
“Avertissement à la junte : contrairement à 1988, les agissements des forces de sécurité sont enregistrés et vous devrez rendre des comptes”, leur a répliqué sur Twitter le rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’Homme en Birmanie, Tom Andrews.
– Appels à la désobéissance civile –
Malgré les risques encourus, des centaines de milliers de personnes ont défilé lundi dans les rues de Rangoun, la plus grande ville de Birmanie.
“Nous sommes ici aujourd’hui pour nous associer à la contestation, pour nous battre jusqu’à ce que nous gagnions”, a déclaré Kyaw Kyaw, un étudiant de 23 ans. “Nous nous inquiétons de la répression mais nous continuerons. Nous sommes tellement en colère”.
Les habitants de Rangoun ont pu constater lundi un renforcement des dispositifs de sécurité, avec le déploiement de nombreux camions de la police et de l’armée tandis que des barrages ont été érigés à proximité du quartier des ambassades.
“Les militaires ont injustement pris le pouvoir au gouvernement civil élu”, a dénoncé un manifestant de 29 ans sous couvert de l’anonymat. “Nous nous battrons jusqu’à ce que nous obtenions notre liberté, la démocratie et la justice.”
D’autres vastes rassemblements se sont également produits dans la capitale Naypyidaw ainsi qu’à Mandalay, la deuxième ville de Birmanie, Myitkyina (nord) et Dawei (sud).
Nombre de marchés et magasins sont restés fermés à Rangoun et dans d’autres cités, après des appels à la grève générale pour amplifier le mouvement de désobéissance civile.
Dimanche, les Birmans avaient rendu hommage à la première personne ayant perdu la vie en lien direct avec la répression militaire, une jeune épicière devenue une icône de la résistance contre la junte.
Les funérailles de Mya Thwate Thwate Khaing, blessée par balle à la tête et qui s’est éteinte vendredi après 10 jours passés en soins intensifs, ont eu lieu dans la périphérie de Naypyidaw, en présence de plusieurs milliers de personnes.
Samedi, il y a eu deux morts à Mandalay quand la police a tiré sur la foule et un homme de 30 ans a été tué à Rangoun.
Aux manifestations massives contre leur coup d’Etat, les militaires birmans ont répondu en déployant progressivement plus de forces de sécurité, qui ont en outre eu recours aux balles en caoutchouc, au gaz lacrymogène, aux canons à eau et même parfois aux tirs à balles réelles.
D’après l’Association d’aide aux prisonniers politiques, 684 personnes ont au total été arrêtées depuis le putsch.
Le nouveau pouvoir a en particulier dans sa ligne de mire les cheminots, les fonctionnaires et les employés de banque qui ont cessé de travailler par solidarité avec l’opposition à la junte.