Les États-Unis endurent des pénuries dues à des problèmes de logistique. Le phénomène risque de s’étendre jusqu’en 2022 et risque d’affecter le Canada. De quoi compromettre la reprise économique et aggraver l’inflation?
“C’est un problème majeur qui n’est pas près de s’estomper”, avertit d’entrée de jeu l’économiste Germain Belzile, inquiet des effets à court et moyen terme des diverses pénuries de produits et marchandises aux États-Unis.
Des risques pour l’économie canadienne
Navires amarrés qui attendent de pouvoir entrer dans le port, manque de produits sur les tablettes (les rayons en québécois), chantiers de bâtiments et de maisons à l’arrêt: en effet, le pays de l’Oncle Sam doit composer avec des chaînes d’approvisionnement insuffisantes ou compromises, phénomène apparu durant la pandémie de Covid-19.
“C’est le résultat de plusieurs facteurs, mais surtout des décisions électoralistes qui ont créé un chaos économique. Un grand nombre d’États en Amérique du Nord ont offert différentes formes de soutien financier à leurs citoyens durant la pandémie. Les gens se sont retrouvés avec plus d’argent qu’avant la crise. Maintenant, on se retrouve avec une demande élevée en biens et une offre restreinte”, nous explique le maître d’enseignement à l’École des hautes études commerciales de Montréal.
Germain Belzile compare l’économie américaine à “un moteur qui a de la difficulté à repartir après avoir refroidi”.
Selon lui, le phénomène risque d’aggraver une inflation déjà élevée et pourrait affecter l’économie du Canada. Cette dernière dépend en grande partie de celle de son voisin du Sud. Les échanges commerciaux de produits et marchandises entre le Canada et les États‑Unis sont les plus importants sur la planète, rappelle l’Encyclopédie canadienne.
“C’est extrêmement néfaste pour l’économie. Les prix vont s’envoler et ce n’est pas fini. On atteindra sans doute 5% d’inflation d’ici à quelque temps. Ce sera sans doute un Noël triste, car il risque de s’offrir moins de cadeaux en raison des ruptures de stock”, poursuit l’économiste.
Autre facteur important de cette crise des chaînes d’approvisionnement: les pressions exercées par des syndicats américains contre l’automatisation de certains procédés de débardage dans les ports, souligne notre interlocuteur.
“Aujourd’hui, j’annonce que le port de LA [Los Angeles, ndlr] commencera à fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept pour que les Américains puissent obtenir les marchandises dont ils ont besoin. Mon administration travaille sans relâche pour déplacer plus de marchandises plus rapidement et renforcer l’endurance de nos chaînes d’approvisionnement,” a annoncé le président Biden.
Selon Betsy McCaughey, éditorialiste du New York Post, le Président Biden entend donc se plier à la volonté des syndicats de ne pas moderniser les ports dans un contexte d’urgence, les syndicats voulant conserver le plus grand nombre de membres au travail et des salaires élevés. Le salaire moyen d’un débardeur au port de Los Angeles est de 171.000 $ (147.000 euros) annuellement. Près de cent porte-conteneurs mouillent encore actuellement au large de la Cité des anges, attendant d’être déchargés.
Jumelées à la politique de vaccination obligatoire de certains États américains pour les travailleurs, les récentes réglementations environnementales et techniques de la Californie sur le camionnage nuiraient aussi au dénouement de la crise. La vaccination incitant un certain nombre de camionneurs à quitter leur emploi. Il est question non seulement de pénuries de marchandises, mais également de manque de main-d’œuvre dans divers secteurs clés.
“Plein de camions ne peuvent plus rouler et plein de chauffeurs ne peuvent plus exercer leur métier. Ils doivent se requalifier. Durant la pandémie, de nombreux camionneurs ont aussi pris leur retraite. Les mesures protectionnistes de la Californie sur le camionnage –qui visent notamment à écarter les camionneurs mexicains du marché– ont des répercussions partout, puisque les deux principaux ports des États-Unis se trouvent en Californie”, précise Germain Belzile.
Le 17 octobre dernier, le secrétaire américain aux Transports, Pete Buttigieg, a annoncé qu’il prévoyait que “bien des problèmes” auxquels étaient confrontés les Américains allaient “continuer l’année prochaine”.
“Le problème est que, même si nos ports traitent plus de marchandises qu’ils ne l’ont jamais fait, des quantités records de biens arrivent, et notre chaîne d’approvisionnement ne peut pas suivre”, a-t-il déclaré sur les ondes de CNN.