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: Le 02/11/2020 à 07:38 | MAJ à 18/07/2024 à 17:26
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Publié : Le 02/11/2020 à 07:38 | MAJ à 18/07/2024 à 17:26
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Une mutation génétique du Sars-CoV-2 se propage rapidement en Europe depuis cet été. Provenant d’un événement super-propagateur en Espagne, elle s’est diffusée via les touristes et c’est désormais la souche dominante dans la plupart des pays qui enregistrent une forte deuxième vague.

Aurait-on pu prévenir la deuxième vague de coronavirus déferlant sur l’Europe cet automne ? C’est l’hypothèse soulevée par des chercheurs de l’université de Bâle dont les travaux ont été prépubliés sur le serveur MedXriv. Ces derniers ont découvert une variante du Sars-CoV-2 nommée 20A.EU1, apparue en Espagne fin juin.

Elle se serait ensuite rapidement étendue à toute l’Europe, donnant lieu à six autres variantes dérivées possédant de légères mutations. Pratiquement inexistante début juillet, cette souche concerne désormais 80 % des cas en Espagne et au Royaume-Uni, 60 % des cas en Irlande, et 40 % en Suisse et en France. Au total, la souche 20A.EU1 s’est propagée dans douze pays européens dont la Belgique, la Norvège et l’Allemagne, et a même été transmise sur d’autres continents comme en Nouvelle-Zélande et à Hong Kong. Elle semble bien partie pour surpasser toutes les autres variantes de Sars-CoV-2.

Les mutations sont fréquentes chez tous les virus, mais la plupart d’entre elles disparaissent rapidement ou restent peu courantes. Seules quelques variantes, comme c’est le cas avec 20A.EU1, réussissent à émerger. Il est difficile de déterminer les mutations ayant une influence sur la dangerosité du virus. Lorsque la mutation porte sur la protéine de pointe, qui sert au virus à pénétrer dans l’organisme, il est possible qu’elle affecte son comportement.

Une autre mutation du Sars-CoV-2, nommée D614G, s’est diffusée elle aussi en Europe durant l’été et aux États-Unis.

Les chercheurs pensent que cette modification rend le virus plus infectieux mais moins dangereux, ce qui expliquerait en partie la baisse de mortalité observée au début de la deuxième vague.

Initialement apparue en juin au nord-est de l’Espagne parmi des ouvriers agricoles, cette nouvelle souche s’est d’abord dispersée au sein de la population locale, puis un événement « super-propagateur » l’a rapidement propagée dans tout le pays et au-delà des frontières. Les vacanciers en Espagne ont ensuite facilité la diffusion du virus avec des attitudes à risques, comme le fait d’ignorer les règles de distanciation sociale, et en maintenant « ce type de comportement une fois de retour à la maison », expliquent les chercheurs. « Favorisée par un événement initial super-propagateur, une variante peut rapidement devenir prévalente », confirme Iñaki Comas, responsable du consortium SeqCovid-Espagne et coauteur de l’étude.

“Je n’ai jamais observé une variante du virus avec une dynamique si puissante

La question centrale reste de savoir si cette nouvelle souche est plus contagieuse ou plus mortelle. « Nous n’avons pas de preuves que cette mutation augmente la transmission ou influence les résultats cliniques », avance prudemment Emma Hodcroft, spécialiste de l’évolution génétique des virus à l’université de Bâle et auteure principale de cette étude. Mais elle souligne que 20A.EU1 ne ressemble à rien de ce qu’elle a rencontré jusqu’ici. « Je n’ai jamais observé de variante avec une si puissante dynamique depuis que j’ai commencé à étudier les séquences génomiques du coronavirus en Europe », souligne la chercheuse.

Quoi qu’il en soit, les auteurs de l’étude soulignent l’importance de renforcer les contrôles aux frontières et les restrictions de voyage dans la lutte contre la pandémie. En France, par exemple, il a suffi de quatre introductions initiales de 20A.EU1 dont trois directement originaires d’Espagne pour aboutir au résultat catastrophique que l’on connaît aujourd’hui. Comme on l’a vu au mois de février, lors du rassemblement évangélique à Mulhouse qui a réuni plus de 2.000 pèlerins, la maîtrise du cluster original revêt donc une importance considérable pour la suite des événements.

Une étude parue le site The Cell en juillet dernier, et présente dans le dernier volume papier de la revue scientifique, refait la Une des médias et agite les réseaux à la suite de la déclaration d’un scientifique de Singapour. Une mutation aurait rendu le virus plus infectieux mais moins virulent, qu’en est-il vraiment ?

Dans cette étude, les scientifiques ont étudié l’infectiosité de deux variants du coronavirus SARS-CoV-2 : D614 et G614. La différence entre ces deux variants tient dans un changement d’une seule lettre de leur séquence génomique, une adénine remplacée par une guanine à la position 23,403.

Cela se traduit par un changement dans l’enchaînement des acides aminés qui composent la protéine S du coronavirus. Le variant D614 possède un acide aspartique, tandis que le variant G614 possède à la même place, une glycine.

Après s’être échappé de Chine, le variant G614, aussi appelé D614G, s’est rapidement répandu en Europe et a fait son chemin jusqu’aux pays d’Amérique du Nord et du Sud, aux dépends des autres variants initialement présents en Chine. Pour expliquer cela, les auteurs de l’étude de Cell ont donc émis l’hypothèse que le variant D614G était plus infectieux que l’autre.

Pour éprouver leur hypothèse, ils ont réalisé des tests in vitro avec des pseudo-particules virales. Ils n’ont donc pas utilisé des coronavirus mais d’autres virus habillés de la même enveloppe que le coronavirus G614 ou bien D614. In vitro, le variant G614 se montre 2,6 à 9,3 plus infectieux que l’autre, selon les lignées cellulaires utilisées. Les scientifiques ont observé la production de plus de pseudoparticules de G614 ainsi qu’une plus grande quantité d’ARN viral produit.

Dans un texte qui accompagne la parution de l’article dans Cell, Nathan D. Grubaugh, chercheur au département d’épidémiologie de l’université de Yale, ainsi que ses confrères d’Harvard et de Columbia écrivent que « ces données ne prouvent pas que G614 soit plus infectieux ou transmissible que les virus contenant D614. »

Malgré la solidité de ces expériences, elles ne peuvent en aucun cas retranscrire la dynamique naturelle de la propagation du coronavirus qui est soumise à beaucoup plus de variables, comme les défenses immunitaires.

La transition entre le variant D614 et G614 du coronavirus ces deniers mois et un schéma qui indique que le variant G614 est plus infectieux in vitro. © Bette Korber et al. Cell 2020

La transition entre le variant D614 et G614 du coronavirus ces deniers mois et un schéma qui indique que le variant G614 est plus infectieux in vitro. © Bette Korber et al. Cell 2020

Le scientifique singapourien, Paul Tambyah, a suggéré à l’agence Reuters que le variant D614G provoque une forme moins sévère de Covid-19. Selon ce dernier, le virus a intérêt à infecter moins de gens mais sans les tuer, pour favoriser sa propagation. Un raisonnement valable, mais qui n’a pas été confirmé pour le variant D614G.

Les scientifiques écrivent dans l’article de Cell qu’« ils n’ont pas trouvé d’association significative entre le D614G et la sévérité de la maladie lors des hospitalisations. » Il n’y a donc pas de preuve que le variant D614G provoque des formes moins sévères, ou au contraire plus graves du Covid-19 malgré ses meilleurs capacités d’infection observées in vitro. L’apparition de forme sévère semble plutôt liée aux facteurs de comorbidité, comme des maladies chroniques associées ou l’âge, qu’à la seule présence d’une mutation.

Ces dernières semaines, l’épidémie de coronavirus connaît un rebond en France. Santé publique France a recensé 333 clusters qui sont actuellement en cours d’investigation. Le dernier décompte du 23 août fait état de 4.897 nouveaux cas en 24 heures. Cette augmentation du nombre de cas concerne toutes les tranches d’âges, mais particulièrement les jeunes qui sont mieux armés pour lutter contre le Covid-19. Ils ont moins de risque de contracter une forme sévère, comme les personnes âgées touchées dans les premières heures de l’épidémie. Cela peut donner l’illusion que l’épidémie recule mais le risque de contaminer les plus fragiles est toujours bien réel.

La variante du SARS-CoV-2 qui circule aujourd’hui en Europe et aux États-Unis est différente de la souche chinoise originale. Un changement d’acide aminé dans la séquence protéique de la protéine S lui permet d’infecter plus facilement les cellules in vitro. Cela améliore-t-il aussi sa transmission entre les humains ?

La variante du SARS-CoV-2, appelée D614G, qui domine aujourd’hui dans le monde, infecte plus facilement les cellules que celle apparue en Chine. Bien que cela reste à confirmer, une étude publiée dans Cell le 2 juin 2020 suggère que cela la rend probablement plus contagieuse.

« Nous ne savons pas encore si une personne s’en sort moins bien avec elle ou non », a commenté Anthony Fauci, directeur de l’Institut des maladies infectieuses américain, à la revue Jama. « Il semble que le virus se réplique mieux et puisse être plus transmissible, mais nous en sommes toujours au stade d’essayer de le confirmer. Mais il y a de très bons généticiens des virus qui travaillent là-dessus. »

Après sa sortie de Chine et son arrivée en Europe, une variante du nouveau coronavirus, qui mute en permanence comme tout virus, est devenue dominante. C’est cette version européenne qui s’est ensuite installée aux États-Unis. La variante D614G concerne une mutation d’une seule lettre de l’ADN du virus, sur la protéine S (spike) avec laquelle il pénètre les cellules humaines.

Les mutations génétiques du coronavirus sont traquées dans le monde entier par les chercheurs. Ils séquencent le génome de chaque isolat viral et le partagent sur une base de données internationale, GISAID. Un trésor qui compte plus de 30.000 séquences à ce jour.

Les chercheurs de la nouvelle étude, des universités de Sheffield et Duke et du laboratoire national de Los Alamos, ont établi en avril que D614G dominait désormais. Ils ont alors affirmé, avec une certaine alarme, que la mutation rendait le virus « plus transmissible ». Ils avaient mis leurs résultats en ligne sur le site de prépublications scientifiques BioRxiv.

Mais cette assertion avait été critiquée car les auteurs n’avaient pas prouvé que la mutation elle-même était la cause de la domination. Les scientifiques ont donc réalisé des travaux et des expériences supplémentaires, à la demande des éditeurs de Cell.

Sur cette illustration en 3D, la protéine S (en rouge) du coronavirus reconnaît le récepteur ACE 2 (en bleu) de la cellule. © Juan Gaertner, Shutterstock

Sur cette illustration en 3D, la protéine S (en rouge) du coronavirus reconnaît le récepteur ACE 2 (en bleu) de la cellule. © Juan Gaertner, Shutterstock

Ils ont d’abord analysé les données de 999 patients britanniques hospitalisés à cause de la Covid-19. Ceux infectés par la variante D614G avaient certes plus de particules virales dans l’organisme, mais sans que cela n’affecte la gravité de leur maladie. Une observation encourageante.

En revanche, des expériences in vitro ont montré que la variante était trois à six fois plus compétent pour infecter des cellules humaines.

« Il semble probable que c’est un virus plus apte », dit Erica Ollmann Saphire, qui a réalisé l’une de ces expériences, au La Jolla Institute for Immunology. Mais tout est dans le « probable » : une expérience in vitro ne peut reproduire la dynamique réelle d’une pandémie.

La conclusion la plus stricte est donc que si le coronavirus qui circule actuellement, la variante D614G, est sans doute plus « infectieux », il n’est pas forcément plus « transmissible » entre humains. Dans tous les cas, écrivent Nathan Grubaugh, de l’université Yale, et des collègues, dans un article distinct également publié dans Cell, « cette variante est désormais la pandémie ».

« D614G ne devrait rien changer à nos mesures de restrictions ni aggraver les infections individuelles », poursuit Nathan Grubaugh. « Nous assistons au travail scientifique en temps réel : c’est une découverte intéressante qui touche potentiellement des millions de gens, mais dont nous ignorons encore l’impact final. Nous avons découvert ce virus il y a six mois, et nous apprendrons encore beaucoup de choses dans les six prochains mois. »

Deux nouvelles souches du coronavirus Sars-Cov-2 ont été identifiées. La première, apparue en Europe, est aujourd’hui prédominante dans le monde et expliquerait la propagation accrue du virus par rapport sa version originale chinoise. Une deuxième mutation a entraîné l’effacement complet de certaines séquences, suggérant un affaiblissement du virus.

Voilà de quoi brouiller un peu plus la compréhension du coronavirus à l’origine du Covid-19 : de nouvelles souches ont été identifiées, mais elles produisent des conclusions contradictoires : l’une serait plus dangereuse que l’originale, l’autre montrerait à l’inverse un possible affaiblissement du virus. On sait que le virus subit en permanence de nombreuses mutations : selon le Centre national de Bio-information chinois, plus de 7.551 mutations ont été enregistrées.

La plupart affecte des parties du génome sans intérêt, mais certaines influent sur la fonction même du virus. Des chercheurs chinois ont ainsi montré récemment que certaines souches sont 270 fois plus virulentes que les autres, ce qui expliquerait en partie pourquoi certaines personnes sont plus sévèrement touchées que d’autres.

“La fréquence à laquelle cette mutation se propage est alarmante

Une nouvelle étude du laboratoire national de Los Alamos, pré-publiée sur le site bioRxiv, a trouvé 14 mutations sur les protéines de pointe à la surface du virus, celles qui servent au virus à pénétrer dans la cellule. En remontant l’arbre phylogénétique des mutations, les chercheurs ont découvert que l’une d’elles a commencé à se répandre en Europe au mois de février 2020 et a rapidement pris le dessus.

C’est cette même souche qui a gagné la côte Est des États-Unis et qui est à l’origine de l’épidémie à New York. Elle serait aujourd’hui majoritaire dans le monde depuis mars. « Lorsque [cette nouvelle souche] est introduite dans une région, elle devient rapidement la forme dominante, atteste Bette Korber, biologiste et auteure principale. La fréquence à laquelle cette mutation se propage est alarmante. »

La mutation G614 (en bleu) s’est répandue à vitesse fulgurante durant le mois de mars, prenant le dessus sur la souche originale de Wuhan (orange). © Bette Korber et al, bioRxiv, 2020

Non seulement cette souche se répand plus rapidement que la version chinoise originale, suggérant un avantage compétitif, mais elle rendrait les personnes plus vulnérables à une seconde infection, avance l’étude. « Nous avons découvert des recombinaisons entre des souches circulant localement, ce qui indique des infections à souches multiples », détaillent les chercheurs qui ont passé en revue plus de 6.000 séquences. Ces mutations à répétition pourraient compromettre la mise au point d’un vaccin, surtout ceux dirigés vers les protéines de surface, concluent-ils.

Sur une souche du virus, 81 bases ont été effacées, ce qui pourrait entraîner son affaiblissement et sa disparition. © vchalup, Adobe Stock

Sur une souche du virus, 81 bases ont été effacées, ce qui pourrait entraîner son affaiblissement et sa disparition. © vchalup, Adobe Stock

Des morceaux de génome ont complètement disparu

Encore en préparation, une autre étude est, quant à elle, beaucoup plus optimiste. Menée par l’université d’Arizona et parue dans le Journal of Virology, elle devrait « susciter l’intérêt de la communauté scientifique du monde entier, y compris de l’Organisation mondiale de la Santé », dès lors qu’elle sera publiée sur un site officiel, s’enthousiasme Efrem Lim qui a dirigé l’équipe de recherche. Les scientifiques ont découvert une mutation dans laquelle 81 bases du génome se sont tout simplement évaporées et « supprimées définitivement du génome ».

Or, c’est ce même phénomène qui avait abouti en 2003 à l’affaiblissement du virus Sars-Cov, puis à à sa disparition. « Durant la phase tardive de l’épidémie, le Sars-Cov a accumulé des mutations qui ont atténué le virus. Le virus affaibli provoque une maladie moins grave peut avoir un avantage sélectif s’il est capable de se propager efficacement dans les populations par des personnes infectées à leur insu », indique Efrem Lim.

L’épidémie de Covid-19 pourrait-elle alors disparaitre d’elle-même ? Il est bien trop tôt pour se prononcer, avancent prudemment les auteurs, d’autant plus qu’on ne connaît pas la fréquence de cette souche. À peine 16.000 génomes du virus ont été séquencés à ce jour, « ce qui représente moins de 0,5 % des souches en circulation », signale Efrem Lim.

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