Des pierres ancestrales refont surface sur les rives de plusieurs fleuves d’Europe. Elles témoignent de l’intense sécheresse du passé et sont dévoilées par la baisse spectaculaire du niveau des fleuves. Sur une des pierres, on peut lire l’inscription suivante : « Si tu me vois, alors pleure ». Sur d’autres sont inscrites les dates des grandes famines d’Europe.
Alors qu’une sécheresse exceptionnelle sévit en Europe cet été, des traces du passé ressurgissent, ces derniers jours, dans les fleuves tchèques et allemands. En raison du faible niveau d’eau, des inscriptions gravées sur des pierres ancestrales redeviennent visibles à l’œil nu.
Témoins des sécheresses au fil des siècles, ces pierres dites « de la faim » font mémoire des souffrances endurées par les populations dès le XVe siècle. L’assèchement des cours d’eau augurait alors de mauvaises récoltes, et des risques de famine. Sur une pierre réapparue mi-août située dans le fleuve de l’Elbe – long de plus de 1000km -, à Decin (République tchèque), on peut lire ceci : « Si tu me vois, alors pleure ».
Une « pierre de la faim » célèbre en République tchèque, non loin de la frontière allemande, avait déjà refait surface en 2018 lors d’une sécheresse intense. Elle est l’un des monuments hydrologiques les plus anciens d’Europe. Selon une étude réalisée en 2013 par une équipe tchèque d’archéologues, plusieurs dates du manque d’eau sont répertoriées sur cette même roche: 1417, 1616, 1707, 1746, 1790, 1800, 1811, 1830, 1842, 1868, 1892 et 1893.
Une autre « pierre de faim » émergée du lit de ce fleuve indique également ceci : « Lorsque cette pierre sera immergée, la vie reprendra des couleurs. »
Selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, les fleuves d’Europe centrale « ont toujours été, et demeurent, d’importantes routes commerciales. » Dès lors, lorsque les cours d’eaux européens s’asséchaient, « les navires transportant de la nourriture ne pouvaient plus naviguer. » L’inscription la plus ancienne date de 1417, la fin du Moyen-Âge, souligne le magazine, qualifiant cette trace de « rappel de nos ancêtres. »
Cet été, le Rhin a également atteint un niveau historiquement bas en Allemagne. À Emmerich, juste avant la frontière néerlandaise, le fleuve le plus long d’Europe a ainsi atteint le 17 août dernier un creux historique de zéro centimètre, selon la presse allemande. Ce faible niveau fait depuis apparaître des « pierres de la faim », qui étaient tombées dans l’oubli.
À Worms, sur la rive gauche du Rhin, d’autres roches « de la faim » témoignent des souffrances du peuple allemand après-guerre. Sur l’une d’elles, on peut lire l’inscription « Anno 1857 », mais également « Année de la faim 1947 » et d’autres années, comme 1959 ou 1963. L’inscription « Année de la faim 1947 » rappelle une période de grande famine, après la Seconde guerre mondiale. Le Rhin n’était plus navigable, 60 kilomètres avaient gelé cet hiver-là.
Des « pierres de la faim » ont également été découvertes cet été dans le Weser, un fleuve allemand d’Europe du Nord, rapporte la presse germanophone. Pour les chercheurs, ces vestiges constituent un support de « documentation » pour les épisodes caniculaires passés.
Mais, pour le magazine allemand Stern , leur réapparition est également « un avertissement des temps difficiles » à venir. Les estimations récentes présagent en effet un futur inquiétant. Déjà 47 % du territoire européen est confronté à un déficit hydrique, selon l’Observatoire européen de la sécheresse.