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: Le 23/04/2021 à 11:51 | MAJ à 18/07/2024 à 17:25
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Publié : Le 23/04/2021 à 11:51 | MAJ à 18/07/2024 à 17:25
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Cet étrange phénomène sera par la suite connu comme l’affaire du pain maudit. Elle commence par une série d’intoxications alimentaires qui frappe un petit village appelé Pont-Saint-Esprit. Lors d’une nuit d’apocalypse, plus de 300 personne sont prises de crise de folie et d’hallucination. Il y aura cinq, voire sept morts, cinquante personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques et deux cent cinquante personnes atteintes de symptômes plus ou moins graves de crise de folie. On ne sait toujours pas pourquoi.

Plus de soixante ans après les événements de Pont-Saint-Esprit, on ne sait toujours pas à quoi les attribuer. Cliniquement, les symptômes étaient ceux d’une forme mixte d’ergotisme, mais ce diagnostic n’a pu être prouvé. Pour la justice, la cause est une farine avariée. Mais cela aussi n’a pas été prouvé.

L’affaire débute le 16 août 1951 lorsqu’une partie de la population de Pont-Saint-Esprit (petite ville de 4 500 habitants) tombe profondément malade. Les trois docteurs de Pont-Saint-Esprit sont assaillis de patients atteints de frissons, de maux de ventre, de vomissements, de bouffées de chaleur, voire d’hallucinations. Les médecins suspectent une intoxication alimentaire d’après les symptômes, mais ne trouvent initialement aucune source possible de cette intoxication, avant de soupçonner le pain. Ils déplorent cinq morts dès les premiers jours, et deux autres plus tard. Le 21 août, 130 personnes sont intoxiquées et 6 malades hospitalisés, dont 3 enfants. Rapidement, les Spiripontains, effrayés par le pain, se rabattent sur les biscottes. La situation se dégrade le 23 août. La nuit du 25 au 26 août (appelée la « nuit de l’apocalypse » par les habitants de la région), 23 hallucinés sont internés d’urgence dans l’hôpital de Pont-Saint-Esprit et plusieurs se jettent par la fenêtre. Suivant les auteurs, deux cents à trois cent vingt personnes sont plus ou moins gravement atteintes, cinq à sept personnes sont mortes (directement ou indirectement attribuables au pain qu’elles ont consommé), dont une de 25 ans, et une trentaine restent plusieurs mois en hôpital psychiatrique.

L’enquête judiciaire menée à l’époque ne permet pas de déceler la cause exacte de ce mal. Un journal, cité par l’historien Steven L. Kaplan, observe : « Alors, faute du nom du mal, on veut connaître celui de l’homme responsable. Les versions les plus abracadabrantes circulent. On accuse le boulanger (ancien candidat RPF, protégé d’un conseiller général de De Gaulle), son mitron, puis l’eau des fontaines, puis les machines modernes à battre, les puissances étrangères, la guerre bactériologique, le diable, la SNCF, le pape, Staline, l’Église, les nationalisations. »

Le corps médical pense alors que c’est un pain maudit qui aurait pu contenir de l’ergot du seigle, mais sans en avoir la preuve. Le seul point commun entre toutes les victimes est en effet d’avoir acheté et consommé le pain de la boulangerie de Roch Briand. La consommation de ce pain provoquant vomissements, maux de têtes, douleurs gastriques, musculaires, et accès de folie (convulsions démoniaques, hallucinations et tentatives de suicide), ce syndrome pourrait évoquer l’ergotisme. Lors des réunions de crise, est également évoquée une intoxication par le dicyandiamide de méthylmercure, un produit contenu dans un fongicide utilisé pour la conservation des grains, mais cette piste est vite abandonnée. Ne voulant pas stigmatiser son ami Roch, le maire impose la fermeture des trois boulangeries et ordonne qu’on y fasse des prélèvements de farine3.

L’enquête du commissaire Sigaud s’oriente très rapidement vers un meunier poitevin de Saint-Martin-la-Rivière, Maurice Maillet, accusé d’avoir mélangé à la farine employée à Pont-Saint-Esprit du seigle avarié, et vers le boulanger Guy Bruère qui lui aurait fourni ce seigle. Maillet avoue et déclare : « Je n’ai pas osé livrer cette marchandise de mauvaise qualité dans ma commune, alors je l’ai expédiée à Pont-Saint-Esprit. » Les Spiripontains applaudissent l’arrestation de ces deux hommes fin août. Tous deux passent deux mois en prison avant d’être innocentés et d’obtenir leur libération «provisoire » fin octobre 1951, un laboratoire militaire d’analyse de Marseille n’ayant trouvé aucune trace d’ergot de seigle ni dans le pain, ni dans la farine.

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