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Shane: Le 05/12/2025 à 16:23 | MAJ à 05/12/2025 à 16:34
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Publié : Le 05/12/2025 à 16:23 | MAJ à 05/12/2025 à 16:34
Par : Dooshina Appigadu

Pour la première fois de son histoire, le Bureau du Directeur des poursuites publiques (ODPP) a commandé un rapport stratégique visant à réformer en profondeur le cadre constitutionnel, législatif et institutionnel des poursuites pénales à Maurice. Ce document de 67 pages, rédigé par l’experte internationale Francesca Del Mese, met en lumière les failles actuelles du système mauricien et appelle à des réformes constitutionnelles majeures, jugées désormais urgentes.

Commandé directement par le Directeur des poursuites publiques (DPP), ce rapport vise à renforcer les pouvoirs conférés par l’article 72 de la Constitution, améliorer l’efficacité du système de poursuite et moderniser en profondeur l’ODPP. Il intervient dans un contexte hautement sensible, marqué récemment par plusieurs tentatives d’ingérence dans l’indépendance du DPP.

Le rapport ne mâche pas ses mots. Il rappelle que le Bureau du Directeur des poursuites publiques (ODPP) a récemment été :

• placé sous le contrôle administratif de l’Attorney-General,

• fragilisé par la Financial Crimes Commission Act 2024, qui tentait de lui retirer ses pouvoirs de poursuite,

• et confronté à des contestations répétées de ses décisions devant la Cour suprême.

Autant d’épisodes qualifiés de graves atteintes à l’État de droit et aux principes démocratiques fondamentaux, dans une République longtemps citée en exemple pour la solidité de ses institutions.

Face à ces dérives, le rapport estime que des amendements constitutionnels sont désormais inévitables pour verrouiller l’autonomie du DPP et empêcher toute future tentative d’assujettissement politique.

Le document prend acte de la volonté du gouvernement de créer deux nouvelles structures majeures :

• une National Crime Agency (NCA), chargée uniquement des enquêtes,

• et un National Prosecution Service (NPS), seul habilité à engager les poursuites.

La séparation stricte entre enquête et poursuite est jugée essentielle pour garantir l’impartialité de la justice. Le rapport préconise toutefois que la NCA ne se limite pas aux seuls crimes financiers, mais couvre l’ensemble de la criminalité grave.

Inspiré du modèle kényan, le rapport recommande que le DPP puisse formellement demander à la police ou à toute agence d’enquête publique d’investiguer sur une allégation criminelle, sans toutefois diriger l’enquête.

Cette réforme vise à répondre à une réalité dénoncée sans détour :

• certaines enquêtes impliquant des individus influents auraient été retardées, voire bloquées, contre l’intérêt public.

L’objectif est clair : éviter toute paralysie volontaire des procédures et restaurer la pleine efficacité de l’action pénale.

Ce rapport marque un tournant historique pour la justice mauricienne. Il acte la nécessité d’un réarmement constitutionnel du DPP, afin de :

• sécuriser définitivement son indépendance,

• raccourcir les délais de poursuite,

• et restaurer la confiance du public dans l’institution judiciaire.

Le document a déjà été transmis au Premier ministre, au Vice-Premier ministre et à l’Attorney-General. L’ODPP entend désormais engager des discussions avec le gouvernement sur l’ampleur des réformes à mettre en œuvre.