Des combats se déroulent dans les faubourgs de la capitale ukrainienne en ce moment.
Décapiter le régime ukrainien, le plus vite possible. Tel est visiblement l’objectif prioritaire du Kremlin, au deuxième jour de son invasion de l’Ukraine, alors que ses troupes ne progressent plus que modestement sur les autres fronts terrestres.
Les troupes russes ont commencé à investir le nord de la capitale ce vendredi, après les bombardements massifs de jeudi, visiblement très efficaces pour détruire les infrastructures militaires ukrainiennes (aéroports, dépôts de munition, bases). Les troupes russes ne progressaient plus depuis midi en direction du palais présidentiel, qu’elles ont visiblement pour mission d’investir afin de capturer le président Volodymyr Zelenski pour délégitimer toute poursuite de la résistance.
Des missiles ont touché la capitale, pour la première fois depuis l’invasion allemande en 1941. La centrale électrique alimentant la capitale a été détruite vendredi soir par des tirs de missiles. La prise d’une ville de 3 millions d’habitants par deux colonnes de blindés avec appui héliporté ne sera sans doute pas simple, sauf guérilla urbaine longue et sanglante.
Cette percée fulgurante depuis la frontière biélorusse, distante il est vrai de seulement 90 km, compense les gains plus modestes sur d’autres fronts. Les forces russes ont peu progressé depuis le Donbass, à l’est, et si elles ont atteint Karkhiv, la deuxième ville du pays, elles ne semblent pas avoir pu y entrer, contrairement aux prédictions de jeudi. Dans le sud, elles ont rencontré peu de résistance dans la région de Kherson, mais n’ont pas pu attaquer Marioupol ou Odessa.
Entre des communiqués de Moscou et de Kiev faisant état de lourdes pertes pour l’ennemi, difficiles à confirmer de source indépendante, il semble que la large suprématie de la Russie dans les airs et la mer peine à se traduire sur terre. L’offensive russe en Ukraine a « perdu de son élan » au cours des dernières 24 heures face à une résistance de l’armée ukrainienne « plus importante » que ne le prévoyait Moscou, a estimé hier un haut responsable du Pentagone devant des agences de presse.
« La défense aérienne de l’Ukraine fonctionne encore, bien qu’elle ait été endommagée, » a-t-il affirmé, ajoutant « ils ont encore une défense antimissile et […] ils ont encore des avions » opérationnels. En outre, les capacités de « commandement et contrôle » de l’armée ukrainienne, qui permettent la coordination des opérations militaires au plus haut niveau, « sont intactes », a-t-il estimé. L’armée russe ne contrôlait hier soir aucun centre urbain ukrainien, même si elle est à proximité de Karkhiv, deuxième ville du pays dans le nord-est, Odessa ou Marioupol, sur la mer noire.
« Ça ne se passe pas tout à fait comme les dirigeants russes l’avaient prévu » a résumé le responsable du Pentagone, qui a toutefois souligné que Moscou n’avait déployé sur le territoire ukrainien que le tiers des forces offensives amassées ces dernières semaines à proximité du pays. L’armée russe a jusqu’ici avancé le long de trois axes : au sud depuis la Crimée jusqu’à la ville de Kherson, sur le Dniepr, au nord depuis le Bélarus vers Kiev, le long de deux routes au nord-est et au nord-ouest de la capitale ukrainienne, et à l’est depuis la ville russe de Belgorod vers Kharkiv. Un assaut amphibie a aussi été mené en mer noire par des milliers de soldats.
Poutine appelle à un coup d’État
Vladimir Poutine a appelé l’armée ukrainienne à renverser le régime ukrainien pour « libérer » la population de la « junte » dirigée par des « nazis » (toutefois, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, est juif) et « des drogués ». Il propose toutefois à cette « junte » une négociation pour une reddition avec garanties de sécurité pour le pays s’il adoptait un statut de neutralité.
L’Union européenne a, pour sa part, transgressé un tabou implicite des relations internationales en plaçant le chef de l’État russe et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, sur la liste des personnes qu’elle sanctionnait. Au chapitre des sanctions, le Royaume-Uni a décidé des mesures potentiellement dévastatrices pour les Russes disposant d’actifs dans le pays.
L’invasion a jeté sur les routes des milliers d’Ukrainiens , qui affluent aux frontières de l’UE – notamment en Pologne, Hongrie et Roumanie. Le centre de Kiev, désormais sous couvre-feu, ressemblait à une ville fantôme. Hommes en armes et blindés étaient positionnés aux principaux carrefours proches des bâtiments gouvernementaux. De rares passants s’arrêtaient pour échanger les dernières nouvelles, tandis que sirènes et explosions retentissaient sous un ciel nuageux. Le ministère ukrainien de la Défense a demandé aux civils à Kiev de l’ « informer des mouvements ennemis et de fabriquer des cocktails Molotov ! ». Des fusils ont été distribués à la population ainsi qu’aux députés.