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Naresh: Le 25/11/2021 à 20:57 | MAJ à 10/07/2024 à 17:32
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Publié : Le 25/11/2021 à 20:57 | MAJ à 10/07/2024 à 17:32
Par : Naresh

Demander à un journaliste de révéler ces sources serait comme demander à un avocat de révéler les confidences de leur client ou à un médecin de violer le secret médical.  Malgré le fait qu’il n’y ait aucune instance régulatrice et appropriée pour la profession journalistique, comme c’est le cas pour les médecins avec le conseil de l’ordre ou le ‘bar council’ pour les avocats, il faut dire, et de surcroît le rappeler, que la protection des sources d’un journaliste est un droit fondamentale étant une des pierres angulaire même du métier qu’est le journalisme. Un droit qui n’est certes pas à proprement inscrit dans nos textes de lois mais qui est implicitement présent dans la loi suprême de ce pays qui est notre constitution, plus précisément à l’article 12.

Mais aujourd’hui voyez vous, ce droit est une fois de plus menacé. Après les fameux amendements apportés à l’ICT Act dont la cour suprême a statué le 27 mai 2021 que l’article 46 (h) (ii) était anticonstitutionnel dans le cas de Seegum v The State of Mauritius (2021 SCJ 162), et plus récemment au projet de loi sur la cybercriminalité introduit au parlement, cette fois-ci ce sont les radios privées qui sont visées.  Avec l’introduction de l’Independent Broadcasting Authority (Amendment) Bill qui sera lu en deuxième lecture le vendredi 26 novembre 2021 et qui passera au vote évidemment comme une lettre à la poste vu la tyrannie de la majorité au sein de l’hémicycle, l’IBA qui en est le régulateur, disposera de nouveaux pouvoirs qui pourrait compromettre à l’indépendance des radios. Et une de ces nouvelles dispositions concerne la protection des sources journalistiques puisqu’à  la clause 18A, il est stipulé que l’IBA pourrait demander à “disclose […] evidence required, or communicate or produce any record, document or article needed, for the exercise, by the authority, of its regulatory powers”. Des amendements imposés à l’insu et sans consultation préalable avec les représentants des médias alors qu’une loi sur le droit à l’information qui est bien plus urgente se fait toujours attendre.

Cette tentative constante depuis ces dernières années qui vise à museler et à mettre le grappin sur la presse et les médias en générale démontre clairement que la relation presse-pouvoir qui doit être naturellement et intrinsèquement conflictuelles étant les contre-pouvoirs dans une démocratie n’est plus un simple conflit. C’est devenu aujourd’hui un conflit personnel ! Posez-vous donc la question; quelle est la nécessité d’apporter de tels amendements en pleine pandémie?  Quel est véritablement l’intérêt à écourter la licence d’une radio sur un an au lieu de trois ans avec des pénalités administratives mirobolantes qui seront imposées par un  soi-dit “Independent Broadcasting Review Panel” dont les membres qui y siégeront seront nuls autres que des nominés politiques? Pourquoi cet enchaînement de changements et d’amendements à l’encontre de cette liberté d’opinion que les mauriciens chérissent tant et qui constitue l’un des fondements essentiels d’une société democratique telle que la nôtre?

“En politique, rien n’arrive par pur hasard”, disait Franklin Roosevelt. Après avoir subi les conséquences de l’amendement de 1984 à la Newspapers and Periodicals Act de 1837 qui imposait une caution à chaque organe de presse et qui avait pour objectif de museler principalement la presse écrite, les médias aujourd’hui se voient asphyxier avec une mainmise encore plus étendue sur la liberté de ton et le débat d’opinion. Ce rapport presse-pouvoir qui nécessite que chacun reste à sa place, c’est-à-dire l’un vis-à-vis de l’autre et non pas l’un à côté de l’autre dans l’ordre des choses, se retrouve aujourd’hui coincé entre la connivence et la détestation. Il n’y a aucun doute qu’avec ce nouvel écosystème fait de flux continu de l’info et des réseaux sociaux, les politiques, plus particulièrement du côté de la majorité, perdent beaucoup de leur pouvoir, et donc de leur aura; créant ainsi une gêne dans cette pratique tant décriée qu’est la verticalité du pouvoir – aujourd’hui définit comme un mal-être democratique. Cela se ressent surtout quand vous avez un gouvernement qui est à bout de souffle, dépassé par les événements, et fatigué des critiques de l’opinion publique ! Et que fait un gouvernement quand il se retrouve au bout du rouleau? Eh bien, vous avez votre réponse…

Alexandre Laridon

 

 

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