En France, l’immigration est un sujet central de la campagne présidentielle alors que bon nombre de Français musulmans émigrent à l’étranger à cause des discriminations et des stigmatisations affirme le New York Times.
La « fuite des cerveaux » de ceux qui pourraient servir de modèles d’intégration ne préoccupe guère les candidats.
« C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir – j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner, confie à The New York Times Sabri Louatah, 38 ans, le petit-fils d’immigrés algériens qui s’est installé à Philadelphie, sa ville d’adoption. Quand on vit dans une grande ville démocrate sur la côte Est, on est plus tranquille que dans Paris, où on est au cœur du chaudron. » Il déplore le raidissement de l’opinion à l’égard de tous les Français musulmans, après ces attentats. En France, il avait été traité de « sale Arabe ». Lors de la campagne présidentielle, les discriminations envers les musulmans continuent d’augmenter. Valérie Pécresse, candidate de centre-droit, Éric Zemmour, candidat d’extrême-droite… le ton est incisif.
Comme Sabri, ils sont nombreux ces Français musulmans qui ont quitté la France à cause des discriminations. « Il n’y a qu’à l’étranger que je suis français, » dit Amar Mekrous, 46 ans, qui s’est installé à Leicester, en Angleterre, avec sa femme et leurs trois enfants, après les attentats de 2015. « Je suis français, je suis marié à une Française, je parle français et je vis français. J’aime la bouffe, la culture française. Mais dans mon pays, je ne suis pas français », ajoute celui qui a grandi en banlieue parisienne auprès de parents immigrés. Avec son groupe Facebook, il a recensé le nombre de Français musulmans résidant au Royaume-Uni. Ils sont au nombre de 2 500.
« Les arrivées étaient nombreuses avant le Brexit », dit-il. Il s’agit principalement de jeunes familles et de mères célibataires qui peinaient à trouver un emploi en France en raison du fait qu’elles portaient le voile. Rama Yade, elle, est partie s’installer aux États-Unis, où elle est directrice du pôle Afrique à l’Atlantic Council, un think-tank basé à Washington. Pour l’ancienne secrétaire d’État chargée des droits humains, l’accent que met la campagne présidentielle sur l’immigration est « la consécration de 20 ans de pourrissement » d’une culture politique obsédée par l’identité nationale. Elle affirme d’ailleurs avoir quitté son parti dont Valérie Pécresse est actuellement la candidate aux élections, car il est devenu « très hostile à tout ce qui ne représentait pas une version fantasmée de l’identité française. »
Cette « fuite de cerveaux » est loin d’être la préoccupation des candidats à la présidentielle. Les chercheurs pointent l’échec de la France à garantir un ascenseur social même aux membres les plus brillants de l’une de ses plus importantes minorités. « Ces personnes vont participer à l’économie de pays comme le Canada et la Grande-Bretagne », constate Olivier Esteves, professeur au Centre d’Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales de l’Université de Lille, où une enquête a été menée auprès de 900 Français musulmans émigrés, dont des entretiens approfondis avec 130 d’entre eux. « La France se tire une grosse balle dans le pied. »