Longtemps considérée comme anecdotique, la pratique du “manspreading”, ou le fait pour les hommes de s’asseoir jambes écartées en prenant toute la place dans les transports publics, sort du silence et agite les réseaux sociaux.
L’affaire se corse en avion où les sièges sont réduits à 16 pouces de large, permettant aux mal élevés de se donner à cœur joie.
Si vous êtes assis à côté de quelqu’un qui “s’étale”, un expert dit que vous devriez informer la personne à côté de vous qu’elle empiète sur votre espace.
Une passagère, Emily Brinkman a pris des photos d’un passager d’avion en train de s’étaler lors d’un vol de quatre heures entre Austin, au Texas, et Orlando, en Floride. Brinkman dit qu’elle a dit plusieurs fois au mal élevé de lui laisser un peu d’espace. En vain.
Si l’étalement masculin dans les transports publics a longtemps été interprété comme un signe de virilité, ou parce que les hommes sont plus costaud, le vent semble avoir tourné au cours des dix dernières années en faisant entrer le manspreading dans la polémique. La guerre est déclarée aux hommes envahissants qui, dans les transports en commun, s’assoient en écartant les jambes et occupent un siège et demi, tout cela au détriment de leurs voisines qui doivent se recroqueviller sur leur siège pour leur laisser la place !
L’étalement masculin agace tellement qu’aux États-Unis, il fait en 2013 l’objet d’un blog qui remporte un succès immédiat. Le Tumblr “Men taking up too much space on the train” (Ces hommes qui prennent trop de place dans le métro) s’amuse en effet à publier des photos de ces messieurs assis les jambes écartées dans les transports en commun, bien souvent aux dépens des femmes assises à leurs côtés. La posture incarne alors une expression du sexisme ordinaire et les réseaux sociaux s’en emparent via le fameux hashtag #manspreading.
Face à ces incivilités masculines, la Metropolitan Transportation Authority de New-York, le service public qui gère les transports publics de la ville de New York et son agglomération, a lancé en décembre 2014 dans les transports new-yorkais une campagne de sensibilisation intitulée “Courtesy Counts, Manners Make a Better Ride” (La courtoisie compte, les bonnes manières font un trajet plus agréable). La campagne d’affichage qui entend lutter contre les incivilités invite les usagers à prendre conscience que quelques gestes de courtoisie suffisent à rendre les transports plus agréables pour tous. Parmi les messages de cette campagne, qui reflètent en grande partie les plaintes et les suggestions des voyageurs, le fameux “Dude… Stop the Spread, Please” (Mec… Arrête de t’étaler s’il te plaît) vise plus particulièrement les manspreaders.
Le terme manspreading gagne tellement en popularité qu’il rentre dans les pages de l’Urban Dictionnary, un dictionnaire en ligne qui décrypte le langage argotique, jeune, urbain, actuel, familier, au plus grand nombre.
Qu’en est-il du manspreading en Europe ?
De l’autre côté de l’Atlantique, c’est d’abord à Madrid que la dénonciation du manspreading trouve un écho. En réponse au succès de la pétition #MadridSinManspreading, lancée par le collectif féministe espagnol Microrrelatos Feministas contre le manspreading qui avait récolté plus de 12 000 signatures, l’EMT (l’entreprise municipale des transports de Madrid) s’est elle aussi lancée dans une campagne de sensibilisation contre le manspreading. Ainsi le pictogramme “Respecter l’espace des autres”, représenté par un personnage assis avec les jambes écartées, vient rejoindre dans les transports madrilènes celui de l’interdiction de fumer ou de mettre ses pieds sur les sièges.
En France, si la prise de conscience progresse, la pratique de l’étalement masculin est encore trop perçue comme anecdotique. Pour d’autres, le manspreading relève plus d’un manque de savoir-vivre que de l’expression du sexisme ordinaire. Pourtant les transports parisiens n’échappent pas au manspreading comme en témoignent de nombreuses femmes sur les réseaux sociaux via le hashtag #viedemeuf ou #manspreading. Si le Conseil de Paris a voté une incitation auprès des dirigeants de la RATP, du Stif et de la SNCF, en faveur d’une sensibilisation au manspreading, c’est le collectif Osez le féminisme qui s’est emparé en France du sujet en invitant les femmes à envoyer leurs témoignages et photos à la RATP.