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Sahil Jeemon: Le 06/12/2025 à 09:30 | MAJ à 06/12/2025 à 09:32
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Publié : Le 06/12/2025 à 09:30 | MAJ à 06/12/2025 à 09:32
Par : Dooshina Appigadu

Au-delà des amendements constitutionnels proposés, le rapport commandé par le Directeur des poursuites publiques dessine les contours d’une réorganisation structurelle inédite de l’appareil judiciaire mauricien. Un chantier vaste, technique, mais stratégique, dont les retombées s’étendront bien au-delà des tribunaux.

Le rapport a été rédigé par Francesca Del Mese, avocate internationale basée à Londres, forte de plus de 25 ans d’expérience dans plus de 50 pays en matière de lutte contre la criminalité, de gouvernance judiciaire et de renforcement de l’État de droit. Elle siège également comme juge à la Crown Court et au Tribunal britannique des pouvoirs d’enquête.

L’étude a été financée par le gouvernement de Sa Majesté du Royaume-Uni, par l’intermédiaire du Haut-Commissariat britannique à Maurice. Le DPP a tenu à saluer ce soutien, à l’origine de nombreuses améliorations institutionnelles dans le passé.

Jusqu’ici, l’ODPP est principalement encadré par la Constitution. Le rapport recommande désormais l’adoption d’une loi autonome régissant l’ODPP ou le futur National Prosecution Service (NPS), afin de :

  • préciser les pouvoirs du DPP,
  • encadrer la coopération inter-agences,
  • combler les vides juridiques,
  • garantir des conditions de travail décentes et une rémunération adéquate aux procureurs.

Ce serait une première depuis l’indépendance.

Le rapport recommande également que le DPP et ses officiers bénéficient d’une immunité partielle, les protégeant contre toute poursuite civile ou pénale pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Une mesure essentielle, selon les auteurs, pour préserver leur liberté de décision dans les affaires sensibles.

Autre recommandation majeure : le DPP devrait pouvoir intervenir dans le recrutement, les mutations et les promotions des officiers juridiques affectés à son bureau. Actuellement, ces décisions relèvent exclusivement de la Judicial Legal Service Commission, sans obligation de consultation.

Le rapport propose aussi la création de divisions spécialisées au sein du futur NPS (criminalité financière, drogues, cybercriminalité, corruption, crimes graves), afin de :

  • renforcer l’expertise,
  • accélérer le traitement des dossiers complexes,
  • réduire les incohérences procédurales.

Le rapport souligne enfin un enjeu capital : ces réformes sont directement liées à la future évaluation de Maurice par le Groupe d’action financière (FATF) en 2027.

Une justice pénale plus efficace, mieux coordonnée et juridiquement blindée est un prérequis essentiel pour maintenir la crédibilité internationale du pays en matière de lutte contre le blanchiment, la corruption et la criminalité financière.

Si ce second aspect de la réforme semble plus technique, ses conséquences seront loin d’être neutres. Il s’agit ni plus ni moins de :

  • professionnaliser davantage les poursuites,
  • protéger les procureurs contre les pressions,
  • renforcer la crédibilité judiciaire du pays,
  • et repositionner Maurice sur l’échiquier international de la bonne gouvernance.

La réforme de l’ODPP et la naissance du National Prosecution Service (NPS), ne sont donc pas de simples ajustements administratifs, mais un véritable investissement stratégique dans l’avenir institutionnel et économique du pays.