En fermant la frontière aux camions, la France a provoqué de gigantesques embouteillages du côté britannique. Le pays s’inquiète pour son approvisionnement en marchandises
Bientôt une pénurie de laitues, de choux-fleurs, de brocolis et de citrons au Royaume-Uni ? Voilà quelques-uns des produits qui pourraient commencer à manquer dans les jours qui viennent, si la situation reste la même, selon la chaîne de supermarchés Sainsbury’s.
Après l’annonce d’un nouveau variant du virus du Covid-19, qui serait 70 % plus contagieux, le Royaume-Uni se retrouve isolé.
La grande majorité des pays, notamment dans l’Union européenne, ont interdit l’arrivée de passagers issus de cette destination.
Certains l’ont annoncé pour 48 heures (Belgique, Danemark, France, Irlande), d’autres pour dix jours (Allemagne, Pays-Bas, Finlande).
Mais la France est allée un cran plus loin, refusant à partir de dimanche, «pour au moins 48 heures», l’arrivée des camions qui traversent depuis Douvres ou Folkestone, à l’entrée du tunnel sous la Manche.
Avec cette mesure très forte, le Royaume-Uni redécouvre son extrême dépendance à ce nœud logistique, par lequel passent 30% de son trafic de marchandises, et qui est au cœur des débats sur le Brexit. Quand il est bloqué, le pays est en partie asphyxié.
Lundi, des embouteillages se sont rapidement formés sur la M20, l’autoroute qui mène soit au port de Douvres, soit au tunnel sous la Manche. L’opération «Stack» a été déclenchée, comme à chaque perturbation de la frontière (grèves au port de Calais, intempéries dans la Manche…). Les camions doivent patienter sur la voie de secours pour éviter de bloquer le trafic local, tandis que le vieil aéroport de Marston est mis à disposition pour garer les poids lourds le temps que tout rentre dans l’ordre.
En chemin vers le continent européen se trouvaient notamment les camions de Loch Fyne, une entreprise écossaise de langoustines et de fruits de mer. Cette période de Noël est l’une des plus importantes de l’année, avec des cargaisons vendues à prix d’or. Impossible de les faire patienter, les produits se périmant littéralement d’heure en heure. «C’est un désastre, des camions remplis de centaines de milliers de livres de produits sont en chemin. Qu’est-ce que nous sommes supposés faire?» s’est énervée l’entreprise sur Twitter.
Pour faire face, le gouvernement britannique a ordonné aux camionneurs de ne plus faire route vers Douvres. Progressivement, le nombre de poids lourds bloqués dans le port a été réduit de 500 lundi matin à 170 en fin de journée, selon Grant Shapps, le ministre des Transports.
La fermeture des frontières françaises pour les camions en provenance du Royaume-Uni s’est rapidement fait sentir dans le sens inverse.
Pour la plupart des entreprises du continent, il n’est pas question d’envoyer des marchandises et des poids lourds s’il n’est pas possible de les faire revenir. Le nœud logistique de Douvres doit être perçu davantage comme un rond-point que comme deux routes séparées: dès qu’un endroit se bloque, tout le système se grippe. C’est pour cela qu’une pénurie de marchandises au Royaume-Uni est désormais envisageable.
A cette époque de l’année, le pays dépend fortement de l’importation des produits frais d’Europe, et les maraîchers ne vont pas envoyer leurs camions si ceux-ci sont ensuite bloqués outre-Manche.
Etrangement, seuls les Français ont décidé de bloquer les camions. Les autres pays ont simplement interdit la venue des voyageurs, pas des marchandises.
En mars, au début de la pandémie, alors même que la crainte du virus était la plus forte, une telle interdiction n’avait pas été imposée. Pourquoi cette fois-ci ?
Les Britanniques s’interrogent: en pleine négociation du Brexit, n’est-ce pas une façon de faire un coup de force, de montrer les conséquences d’une frontière immobilisée? Le Sun, premier tabloïd du pays, ne s’est pas privé de sauter sur la conclusion, titrant: «Les Français n’ont aucune pitié».
La vérité est sans doute plus prosaïque. Contrairement à mars, la nouvelle variante du virus provient du Royaume-Uni et il est logique que l’UE cherche à s’en protéger. Très rapidement, le ministre français des Transport, Jean-Baptiste Djebbari, a déclaré vouloir trouver une solution. Un nouveau protocole sanitaire, mis au point au niveau européen, doit être présenté ce mardi. Il est probable que les chauffeurs doivent présenter des tests covid négatifs.
Enfin, du côté passagers, après la ruée vers les gares et les aéroports samedi soir et dimanche, l’essentiel des liaisons aériennes et ferroviaires hors du Royaume-Uni était à l’arrêt lundi. Les Eurostar reliant Londres à Paris et Bruxelles sont tous annulés. Bruxelles souhaite cependant permettre rapidement le rapatriement des ressortissants européens qui seraient bloqués au Royaume-Uni.
Source : Le Temps et la BBC