Trois bateaux de l’armée birmane seraient arrivés le 21 février sur les côtes malaisiennes. C’est aujourd’hui que Kuala Lumpur y fera embarquer 1 200 Birmans appartenant aux minorités chrétiennes et musulmanes.
La junte militaire était au pouvoir depuis moins de dix jours lorsqu’elle a proposé d’envoyer trois de ses bateaux pour rapatrier les1 200 Birmans en situation irrégulière en Malaisie. Un zèle totalement inédit de la part de la Birmanie, qui n’a jamais mis à disposition sa flotte pour de telles traversées, rappelle l’agence Reuters.
« Tout pourrait arriver sur ce bateau »
James Bawi Thang Bik est l’un des leaders de la communauté birmane réfugiée en Malaisie. Cette nouvelle le rend extrêmement inquiet. « Tout pourrait arriver sur ce bateau, après le coup d’État, angoisse le jeune homme de tout juste 27 ans. Expulser des gens en Birmanie aujourd’hui, c’est très dangereux, surtout si ce sont des réfugiés, les militaires les considèrent comme des traîtres. Car lorsque l’on demande l’asile, on doit raconter ce qu’on a vécu dans son pays. Ce sont aussi des personnes qui sont venues en Malaisie sans passeport donc il y a plusieurs chefs d’inculpation possibles si elles rentrent en Birmanie : trahison envers le pays, traversée illégale de la frontière. »
Ce scénario est déjà advenu par le passé. En 2018 par exemple, le média indépendant birman BNI (soutenu par l’UNESCO) rapportait par exemple que deux réfugiés appartenant à la minorité chrétienne Chin avaient été interceptés de retour dans leur pays pour non-respect de la loi sur l’immigration et arrêtés dans la foulée.
Aucune information
James Bawi Thang Bik se prépare donc, anxieux, à ne pas connaître le sort réservé aux siens lorsqu’ils poseront le pied sur le sol birman, tout particulièrement s’ils appartiennent à des minorités religieuses : « Je ne pense pas que l’on pourra savoir ce qui arrive à ces 1 200 personnes quand elles rentreront car il n’y a pas de circulation de l’information, explique celui qui, malgré son jeune âge, est une des voix les plus écoutées dans sa communauté. Vous savez, ces derniers jours au téléphone des personnes nous ont dit que l’on tuait des familles dans l’État de Chin, mais je n’ai aucune photo de cela et c’est très dur d’essayer de le prouver ou le vérifier sans internet et sans ligne téléphonique qui fonctionne normalement. »
Aucune information ou presque sur ce qu’il se passe en Birmanie, mais guère plus sur les centres de détentions de Malaisie. Ni l’ambassade de Birmanie à Kuala Lumpur, ni les autorités malaisiennes n’ont voulu pour l’instant dévoiler qui étaient ces 1 200 hommes et femmes, s’il y avait parmi eux des minorités persécutées dans leur pays, des réfugiés ou demandeurs d’asile. Seule hypothèse avancée par Reuters, en se basant sur le fonctionnement de la junte birmane, il n’y a vraisemblablement pas de Rohingyas parmi eux, car cette ethnie musulmane est considérée comme apatride depuis 1982 par les militaires au pouvoir en Birmanie.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a appelé la Malaisie à ne pas expulser de réfugiés mais il sera sans doute difficile de contrôler cela : voilà plus d’un an et demi que les représentants onusiens n’ont pas été autorisés à entrer dans les centres de détention malaisiens.
Certains observateurs, comme John Quinley, interviewé par Free Malaysia Today n’ont eux pas manqué de déplorer la position incohérente de la Malaisie concernant la junte birmane. Le jour même du coup d’État, via un communiqué du ministère des Affaires étrangères, le pays exprimait son inquiétude pour la sécurité intérieure et appelait plus que jamais à une transition démocratique.