Un homme qui vivait avec le virus du Sida depuis 1990 pourrait être le sixième patient à guérir du VIH après une greffe de moelle osseuse particulière. Un cas exceptionnel annoncé en amont de la Conférence de la société internationale du Sida, qui aura lieu en Australie du 23 au 26 juillet 2023.
Après le “patient de Berlin”, le “patient de Londres”, le “patient de Düsseldorf”, la “patiente de New York” et le “patient de City of Hope”, un homme de 49 ans suivi aux Hôpitaux universitaires de Genève en Suisse, surnommé le “patient de Genève”, est la sixième personne à être considérée comme remise du VIH (virus de l’immunodéficience humaine). Et ce après une greffe de moelle osseuse particulière. Un sixième cas exceptionnel parmi les 39 millions de personnes qui vivent avec le VIH dans le monde.
En amont de la Conférence de la société internationale du Sida (International AIDS Society, abrégée IAS), qui se tiendra à Brisbane (Australie) du 23 au 26 juillet 2023, Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité “réservoirs viraux et contrôle immunitaire” à l’Institut Pasteur, et Alexandra Calmy, médecin adjointe agrégée responsable de l’Unité VIH aux Hôpitaux universitaires de Genève, annoncent ce cas de rémission à la suite d’une greffe de moelle osseuse pour le traitement d’un cancer du sang.
La moelle osseuse est le lieu où se trouvent les cellules souches qui permettent la production des cellules sanguines et des cellules du système immunitaire. Le VIH est le rétrovirus responsable du Syndrome d’ImmunoDéficience Acquise (Sida). Pour pouvoir se multiplier, le virus a besoin d’infecter une cellule et de détourner la machinerie cellulaire dans son propre intérêt. Mais le VIH n’infecte pas n’importe quelle cellule. Il cible les cellules qui présentent le récepteur CD4 à leur surface, et majoritairement les lymphocytes T, des cellules essentielles au système immunitaire qui font partie des globules blancs. L’entrée du virus dans la cellule cible se fait en deux étapes, dont l’une, selon le type de virus, est la reconnaissance d’une protéine virale par le corécepteur CCR5 présent à la surface des globules blancs.
Le VIH infecte les cellules du système immunitaire, ce qui les rend inefficaces voire induit leur mort. Quand il y a une immunodépression sévère, on parle de Sida pour désigner le dernier stade de l’infection au VIH. A ce stade, le système immunitaire est tellement affaibli que cela laisse la porte ouverte aux autres maladies opportunistes (cancer, infection bactérienne, mycose…). C’est pourquoi on entend parfois qu’on ne meurt pas du Sida mais d’une maladie liée au Sida. Mais, la lutte contre le Sida est loin d’être terminée : en 2022, l’OMS a estimé que 630.000 personnes dans le monde étaient décédées suite à des maladies liées au VIH.
Jusqu’ici, les cinq patients qui s’étaient remis du VIH avaient guéri grâce à une greffe de moelle osseuse particulière. En effet, les cellules souches de leurs donneurs portent une mutation génétique appelée CCR5 delta 32. Cette mutation empêche le récepteur CCR5, une protéine clé pour que le VIH entre dans les cellules, d’être exprimé à la surface des cellules. Donc le VIH ne peut plus entrer dans ces cellules CCR5 delta 32. Ainsi, les personnes portant la mutation CCR5 delta 32 sont résistantes au VIH. Par ailleurs, certaines molécules utilisées lors des traitements anti-VIH reposent sur ce mécanisme : en se fixant sur CCR5, les molécules thérapeutiques empêchent le virus d’infecter d’autres cellules.
Le “patient de Genève” a quant à lui reçu une greffe de cellules souches différente. La greffe, reçue en 2018 pour traiter une leucémie agressive, était issue d’un donneur qui ne portait pas la mutation CCR5 delta 32. Cela signifie que le virus serait hypothétiquement toujours capable d’entrer dans les cellules et de se reproduire.
Cependant, dans les faits, le virus reste indétectable 20 mois après la fin du traitement antirétroviral. Les analyses n’ont depuis identifié ni particules virales, ni réservoir viral activable, ni augmentation des réponses immunitaires contre le virus dans l’organisme du patient. Les scientifiques alertent néanmoins sur le fait que le resurgissement d’une seule particule virale pourrait entraîner un rebond du virus. Les chercheurs préfèrent rester prudents et n’excluent pas la possibilité que le virus persiste encore dans l’organisme du patient.