Une récente étude chinoise montrait que d’ici 2020, 35 millions d’hommes ne pourront pas trouver l’âme sœur dans l’Empire du Milieu car il y aura trop peu de femmes. En Chinois, on appelle ces hommes les « Guanggun » (branches esseulées). Ils vivent pour la plupart dans des villages isolés de Chine, que les femmes ont désertés pour chercher un mari riche à la ville. Des trafics illégaux se sont organisés pour que ces célibataires se marient.
Des milliers de femmes arrivent chaque année des régions rurales du Vietnam, du Laos, de la Birmanie, d’Indonésie. Vendues comme des esclaves, “importées” en Chine, ces nouvelles épouses réalisent vite la différence entre l’homme fortuné dont les trafiquants leur ont parlé et le destin qui les attend : une vie de labeur et de reproductrice dans la Chine rurale. Certaines choisissent de s’enfuir, d’autres se résignent…
Après plusieurs mois d’enquête, Patricia Wong et Gaël Caron, de l’agence Capa, ont pu suivre Xiao Lu, un cultivateur de thé de 30 ans, dans son périple au Vietnam pour acheter une femme, à 3500 km du village de Ting Xia où il habite. L’enquête commence dans un quartier en périphérie de Ho-Chi-Minh-Ville où les trafiquants, chinois et vietnamiens, regroupent les hommes « les branches esseulées » dans des hôtels, leur confisquent leur passeport, et leur présentent des jeunes femmes. Les célibataires chinois dépensent environ 5000 euros pour « acquérir » une épouse, de préférence vierge. Celle-ci est « échangeable » en cas de problème, promettent les trafiquants.
Dans sa chambre d’hôtel, Xiao Lu rencontre Thu Yen, une jeune fille de paysans pétrifiée de timidité. Ils ne peuvent pas communiquer : il ne parle pas vietnamien, elle ne parle pas chinois. Quelques jours plus tard, une cérémonie de mariage, sans valeur légale, va avoir lieu dans le petit village où habite Thu Yen, sur les bords du Mékong. Et Mme Wang, chef des trafiquants, remettra à la jeune fille un visa pour la Chine.
Quelques jours plus tard, Thu Yen découvrira son nouveau village, perdu dans une vallée, au cœur d’un pays dont elle ne parle pas la langue… Enquête exclusive sur un trafic qui n’a jamais été filmé et qui concerne, depuis cinq ans, plusieurs centaines de femmes vietnamiennes. Récit d’une odyssée, celle d’un cultivateur de thé, où le mot « amour » ne sera jamais prononcé.”
Source : Investigations